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KAMPUSCH Natascha : « 3096 jours »
avec la collaboration de Heike Gronemeier et Corinna Milborn
[ “3096 Tage”, traduction Olivier Mannoni et Leïla Pellisier]

éd JC Lattès -le livre de poche- 2010 (Ullstein Verlag, Berlin, 2010), 316 p

« Le regard effrayant de lucidité d’une enfant

-enfermée dans un cachot et martyrisée pendant huit années-

sur la banalité du mal … et son déni par la société,
ainsi que sur la réalité des relations entre parents et enfants,
et sur le rôle salvateur du pardon.


Une expérience extrême
qui constitue une sorte d'étonnante application in vivo et hors normes
de la philosophie d’Hannah Arendt »

 

 

RESUME : N. K. Natascha Kampusch a vécu le pire : le 2 mars 1998, à l'âge de dix ans, elle est enlevée sur le chemin de l'école. Pendant 3096 jours, huit ans et demi, son bourreau, Wolfgang Priklopil, la garde prisonnière dans un cachot souterrain d'environ cinq mètres carrés, près de Vienne. En août 2006, elle parvient, par ses propres moyens, à s'enfuir. Priklopil se suicide le jour même. Dans ce récit bouleversant, Natascha Kampusch révèle les circonstances de son enlèvement, le quotidien de sa captivité, sa terrible relation avec son ravisseur et la façon dont elle a réussi à survivre à cet enfer. Le témoignage unique d'une traversée de l'inimaginable par une jeune femme qui ne s'est jamais laissé briser.  (quatrième de couverture)
 
Explication ? Peut-être dans cette remarque d' Otto Dov Kulka -déporté à Auschwitz à l'âge de 11 ans- : « Pour un adulte, la discordance entre le monde normal et Auschwitz était en effet terrassante. Mais pour l'enfant, au contraire, tout semble aller de soi, même les épreuves les plus absurdes - comme celles que traversent les protagonistes de Kafka. » (« Paysages de la Métropole de la mort », éd. Albin Michel, 2013) 

CITATIONS
Le rôle salvateur du pardon :
    « Rester cohérente envers lui pendant toute ma captivité me coûta une peine infinie. Toujours tenir tête. Toujours dire non. Toujours me rebeller contre ses exactions et lui expliquer calmement qu'il était allé trop loin et qu'il n'avait pas le droit de me traiter ainsi. Même les jours où je m'étais déjà abandonnée et me sentais sans défense, je ne pouvais me permettre de faiblesse. Ces jours-là, je me disais, avec mon regard d'enfant sur les choses, que je le faisais pour·lui. Pour qu'il ne devienne pas encore plus méchant. Comme s'il était de mon devoir de le sauver de la déchéance morale." (p 207)
    […] "Ma seule marge de manœuvre était de lui pardonner ses gestes. Je lui ai pardonné l'enlèvement et toutes les fois où il m'a frappée ou maltraitée. Cet acte du pardon me rendit le pouvoir sur ce que je vivais et me permit de m'en accommoder. Si je n'avais pas instinctivement adopté cette attitude, j'aurais peut-être sombré dans la colère et la haine - ou j'aurais succombé aux humiliations auxquelles j'étais soumise quotidiennement. Cela m'aurait bien plus sûrement anéantie que d'abandonner mon ancienne identité, mon passé, mon nom. Par le pardon, je repoussais ses actes loin de moi. Ils ne pouvaient plus me rabaisser ou me briser, puisque je les avais pardonnés. Ce n'étaient plus que des méchancetés qu'il avait commises et qui retombaient sur lui et non plus sur moi." (p 208)

Exister comme personne :

    […] "Et tout cela me montrait quelque chose de très important: j'existais encore comme personne, je n'étais pas descendue au rang d'objet sans volonté. »  (pp 208)
    […] "J'ai appris à être forte. Peut-être même à développer des forces que je n'aurais jamais déployées en liberté." (p 216)

La banalité du mal :

    "Aujourd'hui, des années après mon évasion, j'hésite encore à dire que, au cœur du Mal, au moins de courts instants de normalité, voire de compréhension mutuelle, sont possibles. Ni dans la réalité ni dans les situations extrêmes, il n'y a de noir ou de blanc, juste de très subtiles gradations qui font la nuance et qui pour moi étaient décisives. […] En faisant constamment appel à sa conscience, je me suis peut-être épargné de pires choses. En le voyant comme un être humain avec une face très sombre et une face très claire, je pouvais rester moi-même un être humain, et il ne pouvait plus me briser." (p 217)

Regards sur la société et les relations parents-enfants :
    […] « J'observe aujourd'hui la réaction de petits enfants qui se réjouissent de retrouver des parents qu'ils n'ont pas vus de la journée et qui ne leur réservent ensuite que des mots méchants, voire des coups. […] Ils aiment les êtres avec lesquels ils vivent et dont ils sont dépendants, même si ceux-ci ne les traitent pas bien.
    Moi aussi, j'étais une enfant au début de ma détention. Le ravisseur m'avait arrachée à mon univers et mise dans le sien. L'homme qui m'avait enlevée, qui m'avait pris mes parents et mon identité devint ma famille. Ma seule chance était de l'accepter comme tel, et j'appris à me réjouir de ses attentions et à refouler tout le négatif. Comme chaque enfant qui grandit dans un milieu familial bancal. (p 217)
    […] La société dans laquelle j'avais atterri après ma détention n'acceptait pas la moindre nuance. Depuis, j'ai compris que j'avais un peu trop idéalisé cette société. Nous vivons dans un monde où des femmes sont battues et ne peuvent fuir les hommes qui les maltraitent, bien que la porte leur soit théoriquement grande ouverte. Une femme sur quatre est victime de graves violences, une sur deux fait l'expérience au cours de sa vie d'une agression sexuelle. Ces crimes sont partout, ils peuvent se produire derrière chaque porte, chaque jour, et ils ne provoquent que chez quelques personnes des regrets superficiels et un haussement d'épaules.
    Cette société a besoin de criminels comme Wolfgang Priklopil, pour donner un visage au Mal qui l'habite et le tenir à distance. [….] Elle a besoin de victimes de cas spectaculaires comme le mien pour se décharger de la responsabilité des crimes quotidiens commis sur des victimes anonymes que l'on n'aide pas - même si elles réclament de l'aide. […] On ne veut pas voir cela, car il faudrait alors se poser des questions. » (pp 218-219)

L’enjeu ultime de la liberté :
« _ Je te suis vraiment reconnaissante de ne pas m'avoir tuée et tu t'es bien occupé de moi, c'était vraiment gentil de ta part. Mais tu ne peux m'obliger à vivre avec toi. Je suis un être à part entière, avec ses propres envies. Cette situation doit prendre fin.
    Je voyais sur [le visage de mon ravisseur] qu'il était profondément effrayé. Toutes ces années, il devait avoir redouté cet instant, celui où il devenait évident que toute son oppression n'avait rien donné et qu'il n'était pas parvenu à me briser. Je continuai:
_ Il est naturel que je parte. Tu aurais pu t'y attendre depuis le début. L'un de nous doit mourir, il n'y a pas d'autre issue. Ou tu me tues, ou tu me libères.
J'aurai vraiment voulu reprendre ce que j'avais dit. Mais c'était dit: je m'enfuirais à la moindre occasion. Et l'un de nous n'y survivrait pas. » (p 288-289)

Epilogue :
    « Ce que j'ai vécu me donne aussi de la force : j'ai survécu à la captivité dans le cachot, me suis libérée et suis restée debout. Je sais que je peux aussi être maîtresse de ma vie en liberté. Et cette liberté commence maintenant seulement, quatre ans après le  23 août 2006. Maintenant seulement, avec ces lignes, je peux tirer un trait et dire véritablement : je suis libre. » ( p 316)
 
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