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FILMS 2018

 

« Fitzcarraldo »

Réalisation  et scénario :Werner Herzog

Acteurs principaux : Klaus Kinski, Claudia Cardinale

Allemagne de l'Ouest, 1982, 158 min. (au <Lux, nov. 2018)

« Un film étonnant, mais un scénario peu convaincant »

SYNOPSIS : « Brian Sweeney Fitzgerald, qui se fait appeler « Fitzcarraldo », arrive à Manaus en provenance d’Iquitos accompagné de son amie Molly, après quelque 2 000 kilomètres de navigation sur les rivières amazoniennes, afin d'assister à une représentation d'Ernani où son idole le ténor Enrico Caruso tient le rôle principal. Passionné d'art lyrique, il rêve de construire un opéra à Iquitos en plein milieu de la forêt péruvienne, où se produiront Caruso et Sarah Bernhardt, interprétant Verdi.

Il achète une concession sur la rivière Ucayali, afin d'exploiter l’hévéa, l'arbre à caoutchouc. Il se procure un vieux bateau à vapeur auprès d’un concurrent et recrute un équipage. Le bateau, retapé et réarmé, commence un long voyage sur le fleuve Amazone avant de remonter le Pachitea. L'équipage déserte bientôt, par crainte des coupeurs de tête. Le contact se fait bientôt entre les quatre hommes restés à bord et les Shuars (improprement appelés Jivaros), séduits par la voix du ténor diffusée par un phonographe. La concession se trouvant sur le cours supérieur de l'Ucayali et étant inaccessible par voie fluviale vu la présence de rapides infranchissables, sachant que les deux cours d’eau ne sont séparés que par une colline, l'idée folle de Fitzcarraldo fut d'araser la colline et d'y hisser le bateau pour rejoindre l'Ucayali par l’autre versant. Les indiens acceptent de l'aider dans son projet. La nuit suivant l'accomplissement de cet exploit, le chef indien brise les amarres car, si les indiens ne croient pas que Fitzcarraldo soit le « Dieu blanc » de leur mythe, ils pensent que le « char blanc » offert à la rivière peut apaiser les démons des rapides. Après une descente périlleuse marquée par le passage des rapides Pongo, Fitzcarraldo, le conquistador de l'inutile, se retrouve à son point de départ. Il envoie son capitaine à Manaus avec comme mission d'amener à Iquitos les chanteurs d'opéra accompagnés d'un grand orchestre afin de donner une représentation d'un opéra à bord de son bateau qu'il revendra ensuite. »

 

COMMENTAIRES : Un film qui fit la célébrité de Werner Herzog  par son tournage extravagant car il exigea que le bateau à vapeur soit réellement hissé sur une colline (!), et par la personnalité de Klaus Kinski. Mais loin de ces remous médiatiques, le film vu trente cinq ans après sa sortie, laisse le spectateur un peu perplexe : le clou du film (le hissage du vapeur sur une colline dans la forêt vierge) ressort plus du documentaire ou du « making of » que d’une fiction, et le jeu de Klaus Kinski - l’acteur fétiche de Werner Herzog, n’est pas convaincant : dix ans après son génial et délirant rôle dans « Aguirre ou la colère de Dieu », il semble ici ne pas trop bien savoir comment incarner son personnage. Quant à Claudia Cardinal elle est confinée à jouer les élégantes utilités ; les rôles secondaires sont par contre beaucoup mieux tenus (Miguel Angel Fuentes: Cholo Miguel ; Paul Hittscher : le capitaine Orinoco Paul ; Huerequeque Enrique Bohorquez: le cuisinier Huerequeque ; David Pérez Espinosa : le chef indien...).

On ne peut qu’être d’accord avec Serge Daney qui en 1983 dans Libération disait voir dans ce film « la bande-annonce de l'aventure du tournage », approfondissant son propre avis en 1991 : « Le spectateur se dit que le tournage de ces films a dû être l'aventure véritable qu'ils ne sont pas en tant que films finis. Nous arrivons ici aux frontières entre l'art et le tourisme. »

Mais en dépit d’un scénario peu convaincant, restent –selon la formule traditionnelle : de “bien belles images“ et même un peu plus : des images impressionnantes. Visiter l’Amazone avec Werner Herzog et Klaus Kinski c’est tout de même faire un beau voyage...

 

BIOs : * Werner Herzog, de son nom complet Werner Herzog Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène allemand né le 5 septembre 1942 à Munich (Allemagne). Il est l'un des représentants majeurs du nouveau cinéma allemand des années 1960–1970. Ses films les plus notables :  en1972 : « Aguirre, la colère de Dieu » (Aguirre, der Zorn Gottes) ; 1976 : « Cœur de verre » (Herz aus Glas) ; en 1979 : « Nosferatu, fantôme de la nuit » (Nosferatu, Phantom der Nacht) ; en 1979 : « Woyzeck », en 1982 : « Fitzcarraldo » . Mais son meilleur est sans doute : en 1974 « L'Énigme de Kaspar Hauser » (Jeder für sich und Gott gegen alle). Et à ses débuts en 1070 un film remarquable et très méconnu : « Les nains aussi ont commencé petits » (Auch Zwerge haben klein angefangen).

* Klaus Kinski (Nakszyńskià), acteur allemand,   né en 1926 à Zoppot, Ville libre de Dantzig, décédé en 1991 (à 65 ans) en Californie. Films notables : « Et pour quelques dollars de plus », « Aguirre, la colère de Dieu », « Nosferatu, fantôme de la nuit », « Fitzcarraldo »

 

 

« Une famille italienne » [A casa tutti bene], de Gabriele Muccino

Avec : Stefano Accorsi, Carolina Crescentini, Elena Cucci   (Italie - 2018 - 1h45 - VOST)

 précédé d’un court-métrage « Le repas dominical » de Céline Devaux ....qu’il vaut mieux oublier

 « drames, passions, pasta et Ischia :  une agréable distraction d'été ... »

RESUME : Une famille italienne se réunit sur l’île d’Ischia pour célébrer les 50 ans de mariage de leurs aînés, Pietro et Alba. Lorsqu’un orage inattendu les surprend, tous les membres de la famille sont contraints de cohabiter pendant deux jours et deux nuits. Cette cohabitation forcée ravive bientôt les disputes oubliées et les vieux conflits, transformant l’île en véritable labyrinthe des passions.

COMMENTAIRES : Cette “famille italienne“, nous rejoue tous les numéros de la classique comédie italienne des année soixante, toutefois drames et passions sont ici quelque peu à la limite du poncif. Mais les acteurs sont excellents et le rythme entrainant, alors  -si la salle est climatisée- vous passerez par ces temps de canicule, un agréable moment à l’italienne ....

 

Et dans une ambiance complètement opposée, deux films estimables mais beaucoup trop longs. Car c’est une règle imparable, mais difficilement explicable : tout  film dont la durée dépasse 1h30 est trop long. Contrairement à la lecture qui laisse à l’imagination du lecteur la liberté de s’investir dans le récit et ses personnages,  la force de l’image visuelle est trop impérative et mobilise trop le spectateur pour qu’il  puisse s’intéresser réellement à une histoire –même bien nouée et bien interprétée- qui s’étire au delà de cette durée standard. Même bons, les films longs auraient tous gagnés à être plus courts. Les deux films suivants en sont la parfaite illustration. Et dommage ! Car il est rare d’avoir de bons films sur des sujets qui touchent à la racine des intimes et graves désarrois que la société “moderne“ engendre.

 

« Une valse dans les allées » [in den Gängen]

Réalisation : Thomas Stuber

Avec : Franz Rogowski, Sandra Hüller, Peter Kurth

Scénario adapté de la nouvelle In the Aisles, issue du recueil All the Lights de Clemens Meyer

Allemagne - 2018 - 2h05, VOST -

«  un film réussi sur une société sans espérance et aussi ... un film désespérant »

RESUME : Le timide et solitaire Christian est embauché dans un supermarché. Bruno, un chef de rayon, le prend sous son aile pour lui apprendre le métier. Dans l’allée des confiseries, il rencontre Marion, dont il tombe immédiatement amoureux. Chaque pause café est l’occasion de mieux se connaître. Christian fait également la rencontre du reste de l’équipe et devient peu à peu un membre de la grande famille du supermarché.

COMMENTAIRES : Dommage ! que le film soit beaucoup trop long. Dommage, parce que la longueur du temps et la monotonie des mêmes gestes répétés tout au long du jour (ou de la nuit en l’occurrence) sont très exactement ce qui constitue la trame ... et le dramatique épuisement du sens de la vie pour les innombrables subalternes –ouvriers, magasiniers, caissiers... etc...,  pour tous ceux dont le travail anonyme sert à mettre à notre portée les commodités devenues usuelles de la vie ordinaire. Le réalisateur l’a bien vu, ce qui est rare, et les acteurs l’ont parfaitement rendu. Mais pris par cet enjeu de rendre sensible une réalité que chacun s’efforce d’oublier –et trop allemands, c'est-à-dire trop consciencieux, ils ont oublié la règle essentielle du genre qui est avant tout un genre distractif. Dommage encore ! car le film contient en outre un enseignement sur la “réunification“ allemande ; « die Wende » [le tournant] comme le film et les Allemands la nomment, un énorme épisode historique passé complètement sous le tapis .... en douceur ? «  ils nous ont jeté, et ils nous ont repris après » dit Bruno, qui valse maintenant comme un robot (qui le remplacera bientôt) “dans les allées“ de ce dépôt bien clos, et qui a perdu la liberté des routes qu’il parcourait quand il était routier. Ce film désespérant est en même temps une réussite parfaite, car il nous fait toucher de près la désespérance des « Wessis », ces habitants de l’ex RDA qui sont restés bloqués dans les « neue Länder »,  parfois par manque du type de formation que l’Ouest requiert, et aussi –et sans trop s’en rendre compte- pour rester dans une ambiance où subsiste encore un certain esprit de solidarité disparu ailleurs. Le film nous montre une société où l’on peut encore subsister, mais une société d’où a disparu tout espérance. Et cette société n’est pas simplement celle qui déroule dans les allées de ce film, c’est la notre avec toute sa “modernité“.

Nota : ceux et celles qui croient encore à l’amour rédempteur, pourront comme Kalindi (« madmoizelle.com ») avoir de ce film une vue optimiste: « en 2h, j’ai eu le temps de tomber amoureuse de chaque personnage. D’apprécier chaque sourire et d’adorer chaque regard. Je suis sortie heureuse de cette projection prête à aimer tout le monde deux fois plus qu’avant, et surtout avec plus d’optimisme. » Heureuse Kalindi !

 

« Une pluie sans fin », de Dong Hue

Avec : Duan Yihong (Yu Guowei) , Jiang Yiyan (Yanzi) , Du Yuan (l'officier Zhang) ; (Chine, 2017, 2 heures !) 

« Bref : c’est beau, c’est lent, et comme la pluie ... à la fin c’est chiant »

Synopsis : 1997. À quelques mois de la rétrocession de Hong-Kong, la Chine va vivre de grands changements… Yu Guowei, le chef de la sécurité d’une vieille usine, dans le Hunan (Sud du pays), enquête sur une série de meurtres commis sur des jeunes femmes. Alors que la police piétine, cette enquête va très vite devenir une véritable obsession pour Yu… puis sa raison de vivre.

COMMENTAIRES : La première impression du spectateur sera bien celle que retrace Jean-François Rauger (Le Monde ») : «  la pluie y est, en effet, un élément constant. Diluvienne, tenace, opaque, elle installe, dès le début du récit, et durant presque deux heures, une lumière grise, une atmosphère sinistre, un paysage réduit, dénué d’horizon. Elle enferme à ciel ouvert les humains qui s’agitent au cœur d’un univers dévasté ou en passe de l’être ». Mais à sa sortie le spectateur ne pourra que partager l’opinion de Roinron (Sens Critique 27/07/18) : « Esthétiquement très travaillée, la photo est superbe, mais hélas le scenario n’est pas à la hauteur. Le polar possède une belle ambiance poisseuse due à la pluie incessante et à un contexte social plombant. Le personnage principal est assez attachant, avec sa bouille de chien battu, sa jeune protégée est ravissante et son jeune apprenti nigaud, sympathique. Mais l’histoire sentimentale manque de consistance et l’intrigue policière est sans surprise. C’est surtout très lent, malgré quelques séquences de poursuites trépidantes sur-montées pour donner le change. Bref, c’est beau, mais relativement chiant, chargé de références écrasantes, mais finalement plutôt impersonnel. Conclusion : un premier film prometteur… ou pas... »

BIO : premier long-métrage du cinéaste chinois Dong Yue, qui avait auparavant travaillé à la photographie ou en tant que chef opérateur.                                                                                           (Le Navire 27 juillet 18)

 

 Et autres films :  

« L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE »

Réalisation : Terry Gilliam adapté du roman de Miguel de Cervantes

Avec : Jonathan Pryce, Adam Driver, Olga Kurylenko

Espagne, Royaume-Uni, France, Portugal, Belgique -2018 - 2h12 - VOST – (Le Navire 23 mai18)

« Décevant ! Gilliam pouvait faire mieux »

RESUME Toby, un jeune réalisateur de pub cynique et désabusé, se retrouve pris au piège des folles illusions d’un vieux cordonnier espagnol convaincu d’être Don Quichotte. Embarqué dans une folle aventure de plus en plus surréaliste, Toby se retrouve confronté aux conséquences tragiques d’un film qu’il a réalisé au temps de sa jeunesse idéaliste et qui a changé pour toujours les rêves et les espoirs de tout un petit village espagnol. Toby saura-t-il se racheter et retrouver un peu d’humanité ? L’amour triomphera-t-il de tout ?

COMMENTAIRES : De ce film on espérait beaucoup, car Terry Gilliam est un réalisateur qui a eu des traits de génie  notamment avec « Monty Python » et surtout l’inoubliable « Brazil ». Admirateur fou de « Don Quichotte », Terry Gilliam a tenté pendant des années de réaliser son film, "Le Film" sur ce personnage fabuleux, butant chaque fois sur des difficultés de production, de casting ... etc. In fine, il s’est décidé à faire un film qui entremêle les aventures du personnage de Cervantès avec l'histoire de ses propres démélés en tant que réalisateur. Le résultat est pour le moins très décevant : malgré un acteur (Jonathan Pryce) qui incarne merveilleusement Don Quichotte et des décors époustouflants de baroque, Gilliam échoue ici une fois de plus. Se mettre en scène lui même en tant que jeune cinéaste devenant l’écuyer de Don Quichotte, ne fait que brouiller le mythe dont Gilliam voulait créer une version "culte" en images animées. L’introduction du personnage moderne (et déplaisant !) de Toby dans les aventures de Don Quichotte, ne fait qu'en brouiller le récit, et fait perdre au mythe tout ce qui lui donnait sens. Dommage ! ... ou à refaire en retirant Toby et toutes les allusions au pire de notre époque...??

 

« ABRACADABRA »

Réalisation et scenario : Pablo Berger, Avec : Maribel Verdú, Antonio de la Torre, José Mota

Espagne, France - 2018 - 1h36 - VOST – Précédé de PATO EXTRATERRESTRE (9’) de Pedro Sancho (Le Navire 17 avril)

"le réalisme hispanique : satirique et  joyeux "

RESUME : Carmen est résignée: son mari Carlos cumule tous les travers du parfait macho madrilène, et il l’assume. Mais tout change le jour où, après une séance d’hypnose qui tourne mal, il se métamorphose en mari idéal, tendre et attentionné... Carmen est conquise, mais très vite, un doute l’assaille: est-elle en droit de profiter de cette parenthèse inattendue, aux côtés d’un mari qui n’est plus vraiment lui-même. 

COMMENTAIRES : Un film plaisant, gentiment satirique (se moquant à la fois de la doxa féministe et de la crédulité populaire) interprété par de bons acteurs (surtout la flamboyante Maribel Verdú). Un film qui n’hésite pas à allier réalisme et délire. Toutefois Pablo Berger n’atteint pas ici l’extraordinaire génie de son « Blancanieves » (voir plus loin >>).

  

 « 3 BILLBOARDS » (Les panneaux de la vengeance)

 Réalisation et scénario : Martin McDonagh

Avec : Frances McDormand (Mildred), Woody Harrelson, Sam Rockwell…

Prix du scénario - Festival de Venise 2017 / Royaume-Uni, États-Unis - 2018 - 1h56 – VOST  (Le Navire février 2018)

«  L’Amérikkke : fascinante et effrayante »

RESUME : Après des mois sans que l’enquête sur la mort et le viol de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville….

COMMENTAIRES : Un film ficelé avec talent et avec un sens des dialogues qui “percutent“ et servi par des acteurs formidables de sensibilité ... et de réalisme. On pourrait certes chipoter sur les emprunts aux frères Coen et sur la duplicité de la morale finale de réconciliation, mais ce qui ressent le spectateur de ce film c’est surtout -en dépit de quelques moments d’humour (noir)- un sentiment d’effroi devant la réalité qu’il  présente.

          Aussi est-ce cette réalité qui nous interroge au premier chef. La réalité d’un pays qui a fait de la liberté individuelle le fondement de la vie sociale, et qui se pose ainsi en parangon de démocratie. Mais la liberté qu’il proclame n'est que la “loi“ du plus fort. Et ceci depuis ses origines : peuplés depuis le 16° siècle par les déshérités et les réprouvés du Vieux Monde (la lie de l’Europe, disait-on autrefois !), les USA se sont historiquement bâtis sur le génocide des peuples aborigènes et sur l’extorsion des terres. Et la dite « révolution américaine », n’a fait qu’inscrire dans la Constitution des principes (cf. le second amendement) qui permettent à ceux qui s’en donnent les moyens d’user de la violence pour leur profit individuel, et de légitimer profits et violences par une morale puritaine (cf. “Histoire criminelle des USA“[1]).

         Cette conception de la liberté individuelle comme primat social absolu en offrant à chacun cette espérance qui structure le « rêve américain », propage un populisme vivace qui a l’avantage d’occulter les antagonismes entre classes sociales et de séduire par sa simplicité. En conséquence, en Amérikkke[2] les antagonismes et les conflits ne se règlent jamais par la discussion ou le débat politique, mais toujours par la force : en s’imposant individuellement par la violence. C’est pourquoi en Amérikke on tire ou on bastonne d’abord, alors qu’en Europe on se dispute, on s’engueule longtemps avant d’en venir aux mains … et exceptionnellement aux armes (L. Wylie dans « Village in the Vaucluse »[3], fournit un témoignage éclairant de cette différence “culturelle“).

         C’est cela dont témoigne avec un réalisme éloquent –et quelque peu terrifiant- le film « 3 BILLBOARDS ». Et on ne pourra atténuer la crudité du tableau de la vie amérikkkaine qu’il présente, en la mettant au compte de l’imagination provocatrice du réalisateur. Car son film ne fait que mettre en scène la réalité banale, quotidienne de l’ « american way of life » des petites villes du Middle-west et du Sud des USA. L'actualité le démontre amplement : ainsi il y a seulement quelques jours dix sept ados ont été “flingués“dans leur lycée, et ce genre de tuerie est banal aux USA (il s'est produit plus d’une fois par semaine au cours des cinq dernières années)...

Comme l’économie, la finance et les technologies amérikkaines (et ce qu’il faut bien appeler sa “culture“) dominent depuis longtemps le monde et aujourd'hui règnent en force –Smartphones et GAFAM aidant-  sur l’imaginaire de l'humanité entière, la violence au quotidien s’étend et s’aggrave de jours en jours dans tous les pays. L’impérialisme amérikkkain propage ainsi la barbarie dans le monde entier, et plus sûrement que le terrorisme qu’il a longtemps financé avant de lui fournir un argument pour étendre la guerre et les entreprises de surveillance et les profits que cela génère.

________________________________________ 

[1] « Histoire criminelle des USA » de Frank Browning et John Gerassi.  Crime organisé, corruption jusqu'au sommet de l'Etat, assassinats de personnalités étrangères sur ordre de la Maison-Blanche : l'histoire du crime aux Etats-Unis ne peut qu'être une histoire des Etats-Unis, dans laquelle les aventures du hors-la-loi, du gangster, du rebelle, du racketteur, du mercenaire se déroulent sur fond de rfrogrès et de prospérité débridés. La première édition de ce livre, publiée en 1980, fut saluée  par Simone de Beauvoir.

[2] AmériKKKe ? Devrait s'écrire avec les initiales du clan du cercle de lumière (Ku Klux Khan) fondé le 24 décembre 1865 par de vrais amériKKKains ... confédérés, pour bien se distinguer des aborigènes amérindiens et des mélangés d’espagnol de l’Amérique du sud .

[3] Laurence Wylie –ethnologue américain- s’était installé  dans les années cinquante à Peyrane (Vaucluse) avec sa famille, envoyant son fils à l'école apprendre le patois local. En fouillant les registres de la mairie et en analysant la vie dans ce village français il a apporté  des vues –et des données- très pertinentes sur ce qui distinguait la vie sociale en France de la vie sociale aux USA.

   

  « DOWNSIZING »

Réalisation : Alexander Payne ; Avec : Matt Damon, Kristen Wiig, Christoph Waltz

États-Unis - 2018 - 2h16 - VOST –/ Le Navire- Valence- Janvier 18 

«  le rêve amérikkkain*, tel que son inconscient le révèle »

RESUME : Pour lutter contre la surpopulation, des scientifiques mettent au point un processus permettant de réduire les humains à une taille d’environ 12 cm : le «downsizing». Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une bonne occasion d’augmenter de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur décide Paul Safranek et sa femme à abandonner le stress de leur quotidien à Omaha (Nebraska), pour se lancer dans une aventure qui changera leur vie pour toujours.

COMMENTAIRES : L’idée était bonne. Des humoristes y avaient déjà pensé, ajoutant que la diminution de la population serait d’autant plus efficace que des humains de 12 cm seraient vite bouffés par leurs chats et leurs chiens. La version de cette idée réalisée par Alexander Payne est en tout cas typiquement très américaine : ici le « downsizing » séduit d’abord par la réduction des emprunts immobiliers qu’il engendre, puisque la très petite taille des emprunteurs leur permet d’acheter à prix réduits des maisons elles aussi très réduites (si elle avait pu être mis en œuvre en 2008, cette solution aurait évité la crise des “subprimes“). Elle permet ensuite à ceux qui ont opté pour le « downsizing » de bénéficier de la vie à laquelle rêvent -semble-t-il- tous les amérikkkains (US) : vivre dans une maison de poupée (!) avec tout le confort, les gadgets et la déco de rêve et dans un vaste lotissement protégé et au soleil (Leisureland). Matt, le héros de cette histoire est un vrai américain (celui en qui tous les amérikkkains voient sûrement leur alter-égo) : un homme simple, droit, généreux et n’aspirant qu’à l’amour. Pour donner quand même un peu de piment à son histoire, le réalisateur y introduit le personnage de la culpabilité puritaine, sous la figure d’une courageuse vietnamienne -réduite elle aussi, mais surtout réduite au rôle de domestique exploitée et reléguée dans le bidonville où sont entassés tous les esclaves nécessaires au bon fonctionnement de la ville idéale construite  pour les humains réduits (mais au portefeuille encore assez garni). Un peu de pathos : Matt va se dévouer pour aider les « réduits » déshérités et va tomber en amour pour cette vietnamienne unijambiste qui –on le notera- n’a pas perdu sa jambe suite aux bombardements de l’US Air Force, mais dans une prison où l’a jetée la tyrannie communiste ! Et –happy end- il refusera de se réfugier dans l’abri que les scientifiques ont construit en prévision de la catastrophe environnementale imminente et retournera par amour continuer son action bienfaitrice auprès des malheureux esclaves domestiques de la cité idéale. 

On attend incessamment un remake français traitant le scénario de façon plus réaliste : Leisureland sera –n’en doutons pas- situé dans le Paris de South-Pigalle et de la rue Oberkampf, dont les habitants –jeunes néo-bobos- figureront aisément ceux qui ont acceptés d’enthousiasme le « downsizing» du génial macron. Et on trouvera assez facilement dans le 9-3 tous les figurants pour incarner les déshérités, et on aura in fine un amour pathétique entre une victime du « sexual harassment » (de préférence une beurette vindicative ou convertie à Daech) et un brave et innocent trader ou banquier « réduit » (la cervelle l’étant déjà). En attendant ce remake franchouillard et macroniste, allez voir « Downsizing ». On peut se moquer de tout ce que ce film révèle de l’inconscient social de l’Amerikkke, mais l’idée (et sa réalisation) sont loin d’être niaises et donnent à réfléchir. Small is beautiful…disait-on il y a cinquante ans…

BIO : Alexander Payne est un réalisateur et scénariste américain d'origine grecque, né le 10 février 1961 à Omaha(Nebraska), qui a obtenu 2 Oscars comme scénariste (en 2005 et 2012). Et qui avec « Nebraska » a réalisé en 2014 un très bon et très sensible film sur l’Amérique du rural profond.

* Toujours l' AmériKKKe, mais là côté bobo.....


« L’échange des princesses»

Film de Marc Dugain. Avec : Lambert Wilson, Olivier Gourmet, AnamariaVartolomei,Juliane Lepoureau....

France / 20017 / 1h40 / Le Navire- Valence- Janvier 18 

« Un film émouvant sur le massacre de l’innocence par la raison d’Etat » 

RESUME : 1721 : Philippe d’Orléans, Régent de France, alors que Louis XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi, décide un échange de princesses qui permettrait de consolider la paix avec l’Espagne, après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues. Il marie donc sa fille, Mlle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Anna Maria Victoria, âgée de 4 ans. Mais l’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces très jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance…

COMMENTAIRES : Un film historique qui soigne les décors et les costumes de l’époque, mais un film intimiste qui à rebours des facilités de ce genre de reconstitution s’approche avec finesse et délicatesse des drames intimes de ces princesses qui ne sont en fait que « viandes à marier » qu’avec une parfaite cruauté les cours régnantes veulent ignorer comme personnes humaines. Marc Dugain démontre avec talent que la tyrannie de l’ancien régime ne s’exerçait pas seulement sur le peuple. Bien qu’on ait toujours quelque difficulté à s’épancher sur les malheurs des « pauvres petites filles riches », le film réussit à nous émouvoir, car la cruauté d’un système qui fait fi de l’innocence nous émeut. Tous les acteurs savent porter avec talent cette émotion. Et rendons particulièrement grâce à la petite Juliane Lepoureau qui –avec ses grands yeux innocents- incarne si merveilleusement les étonnements et les désarrois de la petite infante d’Espagne, et souhaitons à  très jeune comédienne (9 ans), qui nous évoque l’apparition de Ana Torrent dans “Cria cuervos“, de connaître les succès de sa devancière. 

 

Films dits “patrimoine“ (ou films culte qui ont mal vieillis) :

« Stalker », de Andreï Tarkovski

avec : Alexandre Kaïdanovski : Stalker, Alissa Freindlich : la femme du stalker, Anatoli Solonitsyne : l'écrivain, Nikolaï Grinko : le scientifique…. (URSS, RFA, 1979, 163 mn) - LUX mars 2018

« Un film exaspérant, une fausse gloire cinématographique »

Synopsis : Il existe une zone, lieu dont personne ne connaît la nature. A-t-elle été touchée par une bombe atomique ? Une météorite ? La venue d'extraterrestres ? Cette zone est crainte par tout le monde et cernée par la police. On ne peut y entrer : elle est considérée comme dangereuse. En son cœur, on dit qu'il existe un lieu, « la chambre », où tous les souhaits peuvent être réalisés. Des passeurs, nommés « stalkers », peuvent guider ceux qui tentent d'atteindre la zone...

Commentaires : Si "L'Enfance d'Ivan", et surtout "Andreï Roublev" resteront des films fascinants attestant des extraordinaires talents du cinéaste, "Stalker" (comme "Solaris") sont véritablement l’exemple même des fausses gloires cinématographiques (Prix du jury œcuménique lors du Festival de Cannes 1979). Par antiphrase une critique hipster avant la lettre (cf. p.ex. celle en 2006 de Vincent Ostria des Inrockuptibles)  a poussé au pinacle tout ce qui rend ce film insupportable au spectateur : l’éloge de la lenteur qu’accentue la durée du film (deux heures ¾ !), une soi-disant extraordinaire expérience sonore alors que rien n’émerge de signifiant de la bande son, un thème rebattu de l’anticipation version noire, et même ce qui aurait été une annonce prémonitoire de Tchernobyl ( !). En réalité le sombre mysticisme de Tarkovski (« La fonction de l'art… est de préparer l'homme à sa mort, de labourer et d'irriguer son âme, et de la rendre capable de se retourner vers le bien »), a complètement égaré le cinéaste et l’a fait gâcher ses indéniables talents. « Stalker » illustre en réalité la fâcheuse tendance de l’intelligentsia russe à exalter le monde pour aussitôt le plonger dans des abimes de désespérance dans laquelle « l’âme slave » s’est trop complu par excès de religiosité apocalyptique et par manque de liberté. Comme le notait Julien Gracq : « Pas un penseur, pas un écrivain russe, après Pouchkine, dans le cerveau de qui n'ait rôdé en arrière-plan le pressentiment de l'Apocalypse (alors que pas un penseur du XVIIIe siècle français qui n'ait au contraire eu devant lui, spontanément, les seules perspectives fleuries, raisonnables, d'un jardin à la française, aménagé et retaillé sans drame dans le buissonnement confus de la vieillerie monarchique). Pas un Russe qui n'ait senti son immense et informe patrie entachée de part en part de quelque péché originel à expier, pas un Français de l'époque des Lumières qui n'ait cru appartenir de naissance à une nation porte-flambeau… »

BIO : Andreï Arsenievitch Tarkovski est un réalisateur soviétique né le 4 avril 1932 à Zavrajié en URSS et mort le 29 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine d'un cancer du poumon. Films notables : 1962 : L'Enfance d'Ivan, 1966 : Andreï Roublev, 1972 : Solaris, 1975 : Le Miroir, 1979 : Stalker, 1983 : Nostalghia, 1986 : Le Sacrifice.

 

« Monika » et « « Persona » de Ingmar Bergman

« Monika » avec : Harriet Anderson (Monica), Naemi Briese (Harry), etc ...

« Persona » avec Bibi Anderson (Telma l’infirmière) et Liv Ullman (l’actrice)

Suède, 1953, 1h38 et 1966, 1h23        (au Lux octobre )

« le début de Bergman et du mythe suédois des années 50-60 : un peu ringard aujourd’hui»

RESUMES a) « Monika »: Dans un quartier populaire de Stockholm, la jeune Monika partage ses journées entre son travail et le taudis dans lequel elle vit avec son père et une bruyante marmaille. Un jour, elle rencontre Harry qui s'éprend d'elle. Tous deux décident  de s'enfuir, pour vivre, le temps de l'été, cet amour qu’ ils pensaient éternel...

b) « Persona » : huis clos sur une île entre une actrice dépressive et mutique et son infirmière  

COMMENTAIRES : Le film « Monika »perçu à sa sortie comme un scandaleux hymne à la liberté sensuelle (“Monika ou le désir “ !), paraît maintenant assez ringard -même si encore aujourd’hui certains ados demeurent sensibles au thème de l’amour et de la liberté sans entraves. Mais ce film -le premier tourné par I. Bergman, comme « Persona » est trop marqué par l’emphase théâtrale, certes la scène théâtrale exige cette emphase du jeu et de la diction des acteurs, mais cela ne passe plus au cinéma. « Monika » est le premier film tourné par I. Bergman jusque là connu comme metteur en scène de théâtre, et on sent qu’il ne maîtrise pas encore son art : mouvements exagérément lents de la caméra, trop de plans fixes, trop de gros plans sur les visages.

Dans ces deux films le thème de la liberté et du désir s’ exprime de façon exagérée en réaction à la morale religieuse de l’époque, on y sent trop l’exaspération du réalisateur contre la morale luthérienne qui sévissait encore à cette époque en Suède. Toutefois ces films permettent de mieux comprendre ce qui fascinera toujours le cinéaste I. Bergman : les  visages et surtout les regards (mais cela est aussi une caractéristique des scandinaves, un peuple de taiseux préférant dévorer les autres du regard pour ne pas avoir à s’impliquer par la parole ou les gestes) ; mais aussi en contrepoint à la morale luthérienne haïe la tendance de I. Bergman à aller vers une dramaturgie trop hiératique des personnages et des situations (laquelle atteindra son summum dans le “Septième sceau »). Bref : intéressants sur le plan de l’histoire du cinéma, ce ne sont pas des films très plaisants. Finalement Bergman est un réalisateur assez “surfait“.

© JR Carré


 

 
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