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HUSTON Nancy : "Reflets dans un oeil d'homme"

Nancy HUSTON : « Reflets dans un œil d’homme »

éd Actes Sud-Babel, 2014, 327p 

« enfin un regard intelligent sur l'actuel déni “féministe“ de la différence sexuelle »

 EN RESUME : Nancy Huston est une talentueuse romancière franco-canadienne, qui vit en France depuis les années 1970. Elle est également essayiste et a publié en 2012 « Reflets dans un œil d'homme », un essai iconoclaste sur les paradoxes de la libération sexuelle en Occident. Alors que la doxa féministe prône l'indifférenciation des sexes, celle-ci est sans cesse exacerbée et caricaturée dans le domaine publicitaire et marchand. Nancy Huston jette son regard acéré et puissamment original sur le mouvement #MeToo. et réhabilite la différence biologique des sexes. La libération de la parole ne doit pas conduire à revendiquer une symétrie du désir masculin et féminin, qui relève selon elle de la «nouvelle ignorance sexuelle». Selon elle, la revendication égalitariste demande l'impossible aux hommes qui voient leur «virilité vrillée» par des injonctions paradoxales. Elle s'inquiète également des «ravages» de la pornographie sur la sexualité des adolescents. Une réflexion profonde à rebours des discours féministes convenus. « Notre société laïque, qui sort des Lumières et se veut avancée sur le plan des découvertes scientifiques, est aussi celle qui tient le moins compte de la biologie. Selon la nouvelle doxa à la mode en France, chacun devrait être libre de choisir le sexe auquel il a envie d'appartenir. Il n'y aurait plus aucun déterminisme génétique ni hormonal. Or, il n'y a absolument rien de symétrique dans le désir. Et s'il existe des domaines - juridique ou politique - où il est utile et important qu'hommes et femmes soient considérés comme identiques, notre société  qui affecte de nier la différence des sexes, l’exploite en l’exacerbant à travers les industries de la beauté  et de la pornographie. » 

 COMMENTAIRES : Un ouvrage très informé et surtout un ouvrage bienvenu dans le contexte de ce déni de la différence biologique propagé par le dogme de la “théorie du genre“ (une théorie qui sous l’appellation de "ABCD de l'égalité" avait réussi à s’infiltrer dans les programmes scolaires français, et qui a depuis 2014 laissé place aux "outils égalité filles-garçons" destinés aux élèves de la maternelle au baccalauréat, « outils » moins dogmatiques que la théorie du genre, mais qui sous-entendent toujours que tous les comportements sont appris plutôt que innés). 

Nancy Huston analyse avec acuité ce qui fonde les différences entre hommes et femmes en les mettant en rapport avec l’évolution de l’espèce humaine. (On notera toutefois que Jared Diamond a donné dans son ouvrage "Le troisième chimpanzé" une explication plus complète des fondements biologiques de la sexualité humaine et des différences existantes dans les relations entre hommes et femmes, en les comparant aux relations entre les sexes chez nos cousins simiesques avec lesquels nous partageons 98% de notre ADN).

Dès le début de l’ouvrage (cf. l’extrait ci-dessous), elle met en évidence la rupture fondamentale qui s’est produite sur ce plan dans les sociétés humaines dans l’espèce humaine à partir du Néolithique. On pourra cependant regretter qu’elle ne mette pas mieux en exergue le rôle que joue dans nos sociétés modernes la primauté du commerce marchand (c'est-à-dire le capitalisme financier mondialisé) dans l’exacerbation et la perversion des relations entre les sexes. Et sur le plan stylistique la tendance de cette excellente essayiste et romancière à céder un peu trop à la rhétorique anglo-saxonne, qui veut que toute analyse doive se concrétiser par un accompagnement d’exemples vécus, ce  qui ajoute aux analyses un pathos que le lecteur français jugera quelque peu superfétatoire. 

On ne pourra in fine que souhaiter que le regard acéré de Nancy Huston puisse enfin produire un reflet dans l’œil –et l’intelligence- des hommes et des femmes. Et qu’au delà du champ aujourd’hui dévasté des relations entre femmes et hommes, puisse aussi renaître l’espoir de ce qui fait si cruellement défaut aux femmes et aux hommes d’aujourd‘hui et qui une des causes de leurs souffrances : l’absence de solidarité, de “fraternité“… et –si l’on osait le dire- l’absence d’amour…

 

EXTRAITS (pp 21-23) :

         « Indépendamment de toute angoisse sur d’où ils viennent, et pourquoi, et de quel droit … les hommes ont une prédisposition innée à désirer les femmes par le regard, et les femmes se sont toujours complu dans ce regard parce qu’il préparait leur fécondation.

L’évolution est lente

Il nous est malaisé pour ne pas dire impossible de concevoir la lenteur du processus de l’évolution Nous sommes toujours si pressés ! Or Homo sapiens a survécu pendant 90 % de son histoire grâce à la chasse et à la cueillette : nous sommes descendus des arbres voici quatre millions d’années les premières perles fabriquées par des doigts Cro-Magnon datent d’il y a seulement quarante-trois mille ans ; rien ne permet de distinguer notre ADN a nous de celui d’un paysan du Moyen Age, et s’il diverge de celui des Egyptiens de l’Antiquité, c’est de l’écart plus du fait de la différence géographique que de l’écart temporel.

Les profonds bouleversements entraînés par le Néolithique - invention de l’agriculture, sédentarisation des sociétés, fondation de villes, instauration de la propriété privée et de la transmission de cette propriété, établissement des lignées et, peu a peu, de la monogamie - n’ont encore laissé aucune trace dans nos génomes. On s’enorgueillit à juste titre des progrès de la modernité (fusées interplanétaires, bombes atomiques, gratte-ciels, voitures, ordinateurs), mais notre cerveau reste celui de nos ancêtres de la préhistoire.

Résumons en quelques mots ce que cela implique pour les rapports entre les sexes.

Toutes les espèces animales ne sont pas sexuées. Les mammifères, en revanche, le sont ; dans ces espèces, male et femelle ont besoin l’un de l’autre pour se reproduire. Pour être certain de transmettre ses gènes, le mâle a intérêt à répandre sa semence le plus largement possible, dans le plus grand nombre possible de corps de femelles jeunes et bien portantes, c’est-à-dire susceptibles de mener une grossesse à terme et de survivre à un accouchement. Sur des millions d’années, la vue du mâle humain s’est adaptée pour reconnaître des femelles fécondables et envoyer des signaux à ses testicules pour y réagir. Certes, un homme ne bande pas automatiquement chaque fois que ses yeux se posent sur une femme désirable (sans quoi ce serait à peu près infernal) ; les stimulations sont filtrées et, quand la situation ne se prête pas au sexe, il dispose d’un mécanisme cérébral de “verrouillage” de l’érection. Mais pour peu que — sous l’effet de l’alcool, de la rage, d’une situation de guerre ou de “tournante” - ce verrouillage saute, pour peu que ses inhibitions se lèvent, le mâle humain sera prêt (surtout s’il est jeune) à entrer en action.

La femelle humaine, au contraire, n’a pas intérêt à copuler avec le premier venu, car son implication dans la reproduction est incomparablement plus lourde et longue que celle du mâle. Afin d’être certaine d avoir des rejetons viables, susceptibles de transmettre ses gènes à leur tour, elle doit peser le pour et le contre de chaque coït. Elle aura tendance (car intérêt) à choisir ses partenaires avec discernement, préférant un mâle qui lui semble non seulement physiquement fort mais psychiquement fiable, susceptible de rester plusieurs années auprès d elle et de l’aider à nourrir ses petits.

Que, dans leur rapport à l’autre sexe, les filles valorisent plutôt “l’amour” et les garçons plutôt “la baise », correspond à leur destinée reproductrice respective : l’une lente, l’autre rapide. Les femmes veulent que «“ça dure” afin d’avoir un père pour leur progéniture ; les hommes veulent féconder le plus de ventres dans le moins de temps possible. Du coup, il n’est pas rare que les garçons feignent d’aimer pour pouvoir baiser, alors que les filles feignent de désirer pour pouvoir piéger. Voilà comment se sont organisés les rapports entre les sexes chez Homo sapiens pendant la quasi-totalité de son histoire.

“Nous ne sommes pas des chimpanzés”, a fait remarquer récemment la philosophe féministe Elisabeth Badinter. Et elle a raison, bien sûr : même s’il existe chez les autres primates des mécanismes biologiques dont l’effet est d’éviter la reproduction avec des apparentés, particulièrement les parents, nous sommes les seuls à avoir élaboré des règles strictes autour de l’interdit d’inceste. L’humanité c’est peut-être cela au fond : l’espèce animale ayant réussi à convaincre ses mâles qu’il n’était pas dans leur intérêt de toujours donner suite à leur désir de sauter (sur) les femelles. En ce sens, on peut dire que les hommes sont plus civilisés que les femmes, car ils doivent accepter que leur pulsion sexuelle naturelle (omnivore) soit limitée, contenue et redirigée par la société.

N’empêche : nous partageons 98 % de nos gènes avec ces cousins antipathiques — dont, sans aucun doute, ceux qui relient le regard des mâles à leur excitation sexuelle. La nature n’est pas politiquement correcte ; seuls les humains peuvent l’être.

Parce qu’ils vivent dans le temps, conscients de leur mortalité, les humains ont besoin de sentir que leur existence est dotée de sens. Pendant la majeure partie de l’Histoire humaine, ce sens leur venait de la certitude d’occuper dans le monde la place qui leur revenait. […]

C’est parce que les humains sont devenus affamés d’égalité qu’éclatent, à l’âge moderne, de graves conflits entre les genres. »

           TABLE DES MATIERES :

 Avant-propos. - Belle comme une image

I. - ATAVISMES ET AVATARS (pp 10 à 35) : Une fécondité dotée de sens/ L’évolution est lente/ Le Malin/ Les atavismes perdurent/ “J’aime regarder les filles”/ Signature génétique

IL - ELLE GRANDIT, LA PETITE (pp 96 à 54) : La première image/ Dédoublement/ Schrecklich/ Façons de voir/ Make-up, make-believe/ Le regard incestueux

III. - ADOLESCENCE : DANGER (pp 55 à 71) : A l’orée du désir/ Dangers de garçons, dangers de filles/ Le miroir ennemi/ Anaïs Nin devient coquette/ Des filles dans la rue/ La pute et le caïd

IV- GENRE, QUAND TU NOUS TIENS (pp 73 à 96) : Une théorie angéliste /  Et la sexualité queer / Mâles coquets/ Moins regardantes, les femmes/ Mes amis “machos"/ Une théorie irresponsable     

V- BEAUTÉ ET VIOLENCE (pp 97 à 116) : Unisexe, version baba cool/ La beauté féminine est une agression/ Piètre mannequin/ Piètre hôtesse/ La beauté féminine suscite l’agressivité/ La tragédie Seberg/ Femmes sacrifiées/ Enfance de chacun, et de 1’espèce

VI. - CHANGEMENTS DE CODE (pp 119 à 134)  Lumières de l’exil/ Anaïs Nin devient “française/ La cible désarçonnée/ Le mur de colère/ Fissures dans le mur/ Changement de donne

VII. - PLUS SUJET ET PLUS OBJET (pp 135 à 162) : Make-up bis/ Le dédoublement dédouble/ Féminines ou féministes ?/ La Belle Baigneuse/ L’anorexie remplace l’hystérie/ Le corps remplace la maison/ Exit la fécondité/ Double bind de la modernité/

VIII. - LE NU CÔTÉ FEMMES (pp 163 à 176) : Croqués et croquants/ Se montrer nue par besoin d argent... par indifférence... par angoisse... par curiosité ... par plaisir/

IX - LE NU CÔTÉ HOMMES (pp 177 196) : Le peintre et son modèle/ Hommes modèles      / Art versus pornographie

X. - L’IMAGE FAITE CHAIR, LA CHAIR FAITE IMAGE (pp 197 à 212) : Cendrillon et Petit Chaperon Rouge/ Le faux modèle          / Glissements progressifs/ Quelle liberté ?/ Quelle symétrie ?/ Quelle indifférence ?

XI - ENSEIGNEMENT DES PUTES (pp 213 à 232) : “O” a été bébé/ Mort et vie de Nelly Arcan/ Nelly nihiliste/ Quelques idées reçues mordent la poussière.

XII - BABY OR NOT BABY : L’escalier/ Un bâton dans la roue de 1’unisexe/ Etre mère c’est être dans le temps... Ne pas être mère aussi/ Bébés congelés/ Maternité refusée.. écartée... interrompue... empêchée... massacrée

XIII – PUTES DE MERE EN FILLE (pp 253 à 264) : Tillie et Jazzlyn/ Prostituées et cœurs de mère/ Service obligatoire ?

XIV. - PAUVRES HOMMES (AUSSI, PARFOIS) (pp 265 à 281) : Cachez ce sein/ La femme canon/ La Ballade de l’impossible/ La bonne distance/ Vers une nouvelle théorie du machisme

XV. - AU-DELÀ DU MIROIR ( pp 283 à 295) : Jardins de la Citadelle/ Beauté et sucre/ Intelligent design à la française/ Maternité sans reflet/ Plus ça change/ Ça se travaille.

                                                          Bibliographie

JR-TAT- mars 2018

 
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