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DEMOULE JP : nos origines pré-historiques

DEMOULE  Jean-Paul : cinq ouvrages clés sur nos origines préhistoriques

 

*« Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire : quand on a inventé l’agriculture, la guerre et les chefs », 2017 ;

* « On a retrouvé l’Histoire de France : comment l’archéologie raconte notre passé », 2012 ;

* « L’EUROPE, un continent redécouvert par l’archéologie » 2009 ;

* « MAIS OÙ SONT PASSES LES INDO-EUROPÉENS ?» éd. du Seuil, 2014, 739p. (+cartes)

 *« UNE HISTOIRE DES CIVILISATIONS » sous la direction de JP Demoule, D. Garcia, A. Schapp, :

magnifique synthèse des connaissances archéologiques actuelles sur les cinq continents par 71 chercheurs français et étrangers (La Découverte-Inrap, 2018, 602 p avec de nombreuses illustrations)

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JP Demoule : « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire :   quand on a inventé l’agriculture, la guerre et les chefs », éd Fayard, 2017, 317p

« Une claire et passionnante synthèse des connaissances sur nos origines pré-historiques »

RESUME : « Pendant 99 % de l'histoire de l'humanité, l'homme a été chasseur,  pêcheur et cueilleur. Il y a douze mille ans seulement, les humains,  au nombre de quelques centaines de milliers, nomadisaient par  petits groupes. Aujourd'hui, sept et bientôt neuf milliards d'hu-  mains, presque tous sédentaires, peuplent la terre. Leurs sociétés  sont très inégalitaires, puisque environ I % d'entre eux possèdent la  moitié de la richesse mondiale.  Comment en est-on arrivé là ? Que s'est-il passé pendant ces dix  millénaires trop souvent absents de notre culture générale et  médiatique ? Une invention décisive, en plusieurs endroits du  globe : celle de I ‘agriculture et de l'élevage. Grâce à elle, la population humaine va s'accroître rapidement, prendre le contrôle de la  planète et éliminer un grand nombre d'espèces biologiques. L'expansion démographique continue débouche sur la création des  premières villes, des premiers États et, finalement, de l'écriture et  de I ‘histoire...  Cette <. révolution néolithique >> a vu se mettre en place des pratiques qui ont toujours cours aujourd'hui : le travail, la guerre ou  encore la religion. Jean-Paul Demoule les explore avec la hauteur  de vue de l'archéologue et la passion de transmettre. Il bouscule  notre vision de la préhistoire et notre rapport au monde tel qu'il  est, ou tel qu'il pourrait être ».   

BIO :  Jean-Paul Demoule est archéologue, professeur émérite à l'Université de  Paris I Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France.  Il a présidé l'Institut national de recherches archéologiques préventives  (Inrap), de sa création en 2002 jusqu'en 2008. Spécialiste du néolithique  et de l'âge du Fer, il fouillé en France, en Grèce et en Bulgarie, et a publié  une vingtaine d'ouvrages. Site : https://www.jeanpauldemoule.com 

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JP Demoule : « On a retrouvé l’Histoire de France : comment l’archéologie raconte notre passé. », éd Robert Laffont, 2012, 333 p

« Un archéologue  nous restitue avec un grand talent didactique notre passé  depuis ses plus lointaines origines. »

 RESUME  « Les Français ont un problème avec leur passé, et pas seulement avec leur passé le plus récent. Pensez-vous vraiment que les Gaulois, ces pittoresques barbares, furent nos ancêtres, et. que les Romains sont passés par là pour nous civiliser ? Continuez-vous de croire que le baptême de Clovis fut le moment fondateur de l'identité française ?  Ou que le Moyen Age n’a été qu'une longue nuit précédant la  Renaissance ? Alors ce livre est pour vous ! Et pour tous ceux qui  n'ont qu'une envie : « reprendre le fil de l'histoire réelle " de la  France. » (Introduction) 

         S'appuyant sur l'immense richesse des fouilles menées sur l'ensemble du territoire français, Jean-Paul Demoule revisite siècles et  millénaires. Il nous emmène à la rencontre de l'Homo erectus, il y a plus de 1,6 million d'années, comme à celle des soldats tombés  lors des dernières grandes guerres. On croise aussi avec étonnement (l'Education nationale n'en parle en effet jamais dans ses  programmes !) ces « colons du Moyen-Orient qui ont apporté sur notre sol l'agriculture et l'élevage il y a environ sept mille huit cents ans... ». On redécouvre aussi les relations complexes qu’ont entretenues les Celtes (autre nom des Gaulois) avec leurs voisins du Sud (les Romains) et ceux du Nord (les Francs qui étaient un des nombreux peuples de la Germanie). Jean-Paul Demoule nous montre également que la soi-disant chute de l’Empire Romain a duré plusieurs siècles tant les peuples “barbares“ si attachés aux bienfaits de l’Empire se sont employés moins à le détruire qu’à le maintenir (au profit de leurs propres chefs bien sûr !). Quant au Moyen-Age loin d’être une période d’obscur déclin, il a été une époque finalement très inventive tant sur le plan politique (les libertés communales précoces), que sur le plan technique (mines, moulins, colliers d’épaule etc..) et culturel avec les apports des quartiers juifs et l’influence  arabe dans le Sud de la France. Cet ouvrage est un florilège passionnant débarrassé des a priori idéologiques hérités de la III'' République, qui rend enfin possible de réfléchir, en connaissance de cause,  à cette fameuse " identité française“ qui interroge nombre de  nos contemporains. Ce livre décapant rappelle que notre  métissage a existé depuis la préhistoire, avec des humains qui  étaient tout sauf des sauvages. Encore un cliché à abattre...

COMMENTAIRES : Voilà un livre indispensable , qui remet les choses en place, comme notre Education soi-disant Nationale aurait dû le faire. Car dans cet ouvrage que chaque citoyen de notre pays devrait avoir chez soi, Jean Paul Demoule tord définitivement le cou aux mythes qui empêchent les Français d’avoir une vision juste et claire du passé d’où ils viennent.

         Le lecteur constatera toutefois qu’il y a dans ce livre deux ouvrages distincts : le premier nous donne l’état actuel des connaissances sur notre histoire et le fait d’une façon qui parle clairement à tout un chacun (ce qui est aussi  la preuve que l’auteur maitrise parfaitement le sujet), le second est une éloquente défense et illustration des vertus explicatives de « l’archéologie préventive ». Cette archéologie d’urgence est devenue indispensable en raison : d’abord de la frénésie irréfléchie d’ « aménagement du territoire » (bel oxymore !) ; et ensuite de la particularité de nos sols et de notre climat tempéré et de la fragilité des constructions anciennes (bois) en Europe. Le lecteur comprendra aisément à la lecture de cette seconde partie l’inquiétude qui ravage un archéologue ou un historien quand il voit disparaître des témoignages rares d’un passé lointain-et souvent mal connu- au profit de la construction hâtive de parkings. ou d’autoroutes (lesquelles autoroutes formeront dans le futur les seules traces qui subsisteront de note époque !).  C’est pour rendre plus probante la défense de l’archéologie préventive, que JP Demoule a voulu la lier à la reconstitution de notre passé depuis ses lointaines origines. Mais on pourra aussi penser que faire de l’Histoire de France proprement dite un livre séparé aurait sans doute aidé à la diffusion de cette décontamination de notre passé  qui devient de plus en plus nécessaire à mesure que l’inculture historique de nos « élites » progresse, générant de nouveaux mythes destructeurs.

EXTRAITS : La modernité a trente-cinq mille ans

         « Voilà en tout cas, depuis trente-cinq mille ans, l’homme moderne en place en France. Et depuis trente- cinq mille ans, qu’on se le dise, il n’y a pas eu d’évolution psychomotrice majeure chez les humains — il est vrai que cette durée est un infime espace de temps au regard des millions d’années de cette évolution. [..] Toutefois depuis le Néolithique, c’est-à-dire l’invention de l’agriculture et de l’élevage, l’homme a commencé à intervenir sur les espèces vivantes, la sienne comprise. Il est intervenu aussi sur la sélection naturelle qui jadis éliminait les individus porteurs de caractères défavorables à une bonne adaptation (exemple la myopie). Les progrès de la médecine permettent ainsi la transmission génétique de maladies plus nombreuses, de même qu’en augmentant la durée de vie humaine, ils rendent possible la procréation à des âges beaucoup plus avancés, avec les risques que cela comporte - même si les diagnostics prénataux permettent aussi, au moins dans les pays industrialisés, de limiter la prévalence de certaines maladies.

         Inversement, on sait que ces diagnostics prénataux peuvent s’accompagner parfois de l’élimination des filles à naître, quand elles ne sont pas tuées à la naissance. On sait aussi qu’il n’y a aucune raison que les manipulations génétiques, déjà bien avancées sur les espèces animales et végétales, ne s’étendent pas à l’homme. Certes, il existe dans les régimes démocratiques un certain nombre de contrôles et de garde-fous. Mais à l’échelle de la durée de l’histoire humaine, rien n’empêchera un jour des régimes autoritaires de pratiquer des manipulations qui, jusqu’à présent, ne relèvent encore que de la science-fiction - pour tenter par exemple de fabriquer des esclaves entièrement soumis et voués au travail, ou des super-soldats dévolus à la violence et à la domination [1]. De même que nous savons que les progrès techniques, la robotisation et les nanotechnologies, entre autres, rendront réels, un jour ou l’autre, des scénarios d’anticipation qui ne sont pas tous résolument optimistes.

         Pourtant, nous sentons encore en nous le poids des millénaires passés. Les changements brutaux de mode de vie et d’alimentation qui ont marqué les dernières décennies prouvent que l’on ne peut passer soudainement d’un régime alimentaire qui fut pendant des dizaines, sinon des centaines de milliers d’années celui de chasseurs-cueilleurs à un régime entièrement différent. L’un de ses effets les plus visibles est l’obésité galopante, qui menace aussi bien les pays riches que les pauvres, du moins ceux où la famine ne règne pas. Nous savons désormais aussi que l’on ne peut pas passer en peu de temps d’activités physiques importantes, pour lesquelles nos corps de primates étaient parfaitement adaptés, à un mode de vie quasi immobile, où ce corps est la plupart du temps assis (les chaises n’existaient pas durant les millénaires de la préhistoire), que ce soit à table, dans les transports collectifs ou individuels, et de plus en plus devant un ordinateur, de travail ou de loisir. Obésité, maladies cardiovasculaires et souffrances articulaires et osseuses (le « mal de dos ») en croissance exponentielle sont la rançon de ces changements brutaux de mode de vie. Elles ne signifient pas qu’il faille retourner à la préhistoire, mais qu’il faut prendre en compte notre préhistoire !

         Puisque nos facultés psychomotrices sont donc identiques depuis trente-cinq mille ans, il nous est plus facile de comprendre le mode de vie des chasseurs sapiens sapiens que celui de leurs prédécesseurs. (Les travaux du préhistorien français André Leroi-Gourhan sur le site de Pincevent, près de Montereau on a appris à appréhender dans ses moindres détails la vie quotidienne des campements de ces chasseurs-cueilleurs de S&M) »  (pages 40, 41 et 42)

                                                               * * * * * * * *

JP Demoule : « L’EUROPE, un continent redécouvert par l’archéologie » sous la direction de Jean-Paul Démoule (éd. Gallimard, 2009, 221 p - photos, cartes)

PRESENTATION : « Parvenus à un point charnière de leur histoire - les 50 ans de la construction d’une Union qui intègre désormais 27 nations, les Européens ont-ils conscience de tout ce qui les rapproche ? Il y a près de 2 millions d'années, une première vague d’ « immigrants » venus d’Afrique peuple le continent du Caucase à l’Atlantique. Une deuxième vague invente l'art rupestre et partage une culture qui embrasse –elle aussi- l’Europe. Il y a 8 000 ans, une révolution venue du Proche-Orient, le Néolithique, implante l’agriculture et les premiers villages. Puis nait à l’âge de Bronze, la civilisation urbaine qui couvre progressivement tout le territoire. Sur les vestiges de l’Empire romain s'impose l'ordre féodal. Enfin l'histoire européenne oscille entre des empires vastes mais provisoires et l’éparpillement d’unités territoriales souveraines. Seule l’archéologie peut faire revivre, à partir des archives du sol, cette longue mémoire, entre vie quotidienne pratiques religieuses et relations avec l’environnement. Dans ce livre illustré et documenté grâce aux découvertes des trente dernières années, quinze archéologues européens se sont associes autour d'un même projet : contribuer à une meilleure compréhension de la préhistoire et de l'histoire des Européens, a une plus juste perception de leur destin collectif. » (Institut national de recherches archéologiques préventives)

RESUME : « L'Europe existe-t-elle ? Sans doute pas comme un continent géographique, seule la mince barrière de l'Oural la séparant du reste de l'Asie. Ni comme une entité politique et économique, puisqu'elle ne cesse d'hésiter entre affirmations nationales et dilution dans une expansion indéfinie. Pourtant l'Europe a une histoire qui remonte à près de 2 millions d'années, et dont le sol porte les traces d'innombrables vestiges.

Les témoignages écrits - trop récents, vingt-cinq siècles à peine - sont partiels et partiaux. Ils ne racontent que l'histoire officielle et ne nous sont parvenus que par bribes. Sur la vie quotidienne, l'économie, le commerce, les techniques, l'hygiène, ta démographie, l'alimentation, l'architecture, les migrations, ce sont les archives du sol qui témoignent, grâce à des méthodes archéologiques toujours plus rigoureuses et raffinées. Le développement économique a ouvert continûment d'innombrables chantiers : autoroutes, TGV, canaux, parkings souterrains, zones industrielles, bâtiments d'habitation, etc. Et par la Convention de Malte, la plupart des pays européens s'engagent à assurer par tous les moyens la « protection du patrimoine archéologique ». Les découvertes récentes importantes, dans leur grande majorité, sont issues de ces fouilles préventives, qui précèdent les travaux d'aménagement.

            De la longue histoire de l'Europe, on retiendra d'abord les constants brassages, qui commencent avec l'arrivée des premiers hommes et qui n'ont jamais cessé, des colons néolithiques aux déplacements de populations venues, à plusieurs reprises, des steppes orientales et jusqu'aux mouvements migratoires récents. Parfois les nouveaux arrivants se sont fondus dans le paysage, comme à la fin de l'Antiquité ; parfois leur influence est restée limitée à des comptoirs littoraux, comme ceux établis par les navigateurs phéniciens puis carthaginois ; parfois ils ont maintenu une partie de leur identité, comme les communautés arabo- berbères ou juives. Les cinq derniers siècles ont vu se combiner des migrations internes, des campagnes vers les villes, avec des migrations d'Européens vers des terres extérieures à conquérir dans un élan de colonisation du monde.

           Y a-t-il eu un « miracle européen » ? Cela dépend du système de valeur que l'on adopte pour évaluer les sociétés humaines. Mais la richesse et la variété des civilisations qui se sont succédé et mêlées sur le sol de notre continent, telles que nous les révèle désormais l'archéologie, sont en tout cas stupéfiantes. À nous d'en préserver les fragiles vestiges, que ne cessent de menacer nos modernes aménagements. »  (Jean-Paul Démoule)

dans la même optique démystificatrice, on lira aussi du même Jean-Paul Demoule :

JP Demoule : « MAIS OÙ SONT PASSES LES INDO-EUROPÉENS ?», éd. du Seuil, 2014, 739p. (+cartes)  

« Archéologie et linguistique aux prises avec les mythologies et le nationalisme »

PRESENTATION : « Mais où sont passés les Indo-Européens ? On les a vus passer par ici, depuis les steppes de Russie, ou par là, depuis celles de Turquie. Certains les ont même vus venir du Grand Nord. Mais qui sont les Indo-Européens  et les Indo-Européens ont-ils vraiment existé ? Est-ce une vérité scientifique, ou au contraire un mythe d’origine, celui des Européens, qui les dispenserait de devoir emprunter le leur aux Juifs, à la Bible ?

Jean-Paul Démoule propose dans ce livre iconoclaste de s’attaquer à la racine du mythe, à sa construction obligée, à ses détournements aussi, comme la sinistre idéologie aryenne du nazisme, qui vit encore. Il montre que l’archéologie la plus moderne ne valide aucune des hypothèses proposées sur les routes de ces invasions présumées, pas plus que les données les plus récentes de la linguistique, de la biologie ou de la mythologie. Pour expliquer les ressemblances entre ces langues, d’autres modèles restent à construire, bien plus complexes, mais infiniment plus intéressants. » (quatrième de couverture)

COMMENTAIRES : Cet ouvrage est une revue de l’ensemble des travaux archéologiques, linguistiques et anthropologiques qui ont été consacrés depuis le début du XIX° siècle à cette question des « Indo-européens ». Un travail impressionnant (la bibliographie comporte plus de 1.100 références !), mais intriguant : pourquoi l’auteur s’est-il attelé à cette exhaustive étude critique de travaux consacrés à une question qui ne soulève guère d’intérêt pour le lecteur (du moins pour le lecteur français) et qui semble aujourd’hui parfaitement obsolète ? 

Au fil de la lecture on comprend mieux l’objectif poursuivi par l’auteur : il s’agit en fait d’un travail à visée épistémologique. En comparant point par point les arguments qui ont été avancés à propos des Indo-européens au cours de l’histoire des disciplines scientifiques qui se sont constitués autour de la préhistoire et de l’étude des langues, avec les données scientifiques les plus récentes, JP Demoule apporte une éclatante démonstration de la contamination de ces recherches sur notre passé lointain avec des idéologies politiques nationalistes. Dans la partie concernant la période 1903 à 1945, il met clairement en évidence l’influence délétère qu’a exercé le nazisme, dans le champ des études préhistoriques, influence qui continue à s’exercer sous des formes idéologiques masquées dans les cercles de la “Nouvelle droite“. JP Demoule nous offre ainsi une vue sur les sources (archéologiques pourrait-on dire !) des idéologies  nationalistes des droites européennes. 

Chemin faisant –et c’est sans doute ce qui sera le plus instructif pour le lecteur- JP Demoule met en évidence des faits –scientifiquement attestés- qui donnent du passé lointain de notre continent une image nouvelle, débarrassée des mythologies anciennes (lesquelles malheureusement sont souvent reprises sur Internet par une foultitude de sectes, les unes du type “New Age », les autres parfaitement réactionnaires). Grâce au travail de JP Demoule, le lecteur peut abandonner le modèle d’une histoire qui partirait d’une ethnie bien définie qui propagerait par des vagues conquérantes une culture et une langue commune à tout le continent, et voir maintenant un jeu complexe de mélanges ethniques et linguistiques qui assurent à notre continent la diversité qui permet la créativité sociale et culturelle.

                                                                * * * * * * * *

Les origines (pré)-historiques de la France restituées à la lumière des connaissances actuelles  sur l’évolution de l’espèce humaine en Europe (Résumé)

A partir des travaux de JP Demopule, le raccourci ci-dessous vise à mettre en évidence les faits historiques (archéologiques) principaux qui permettent de mieux comprendre comment l’Histoire du territoire français se relie à ce que l’on sait aujourd’hui de l’évolution de l’espèce humaine, depuis l’apparition de l’Homo Erectus.

avant l'ultime période glaciaire en Europe :

·                        *  moins 1,5 million d’années : apparition de l’Homo erectus venant d’Afrique (par le Proche Orient ou par Gibraltar ? [1]-le niveau des mers étant 135 m en dessous du niveau actuel)

                  * à moins 300.000 ans, apparition de Homo Neandertal (venant du Proche Orient et se répartissant au gré des fluctuations climatiques de l’Ouest aux steppes Pontiques) ; il disparaît vers -30.000 (métissage attesté avec Sapiens, moindre natalité, génocide ?)

·                        *  à moins 35.000 ans, arrivée de Homo Sapiens venant du Proche Orient. Début de l’Art : grotte Chauvet (œuvre de Sapiens ?). Population sur le territoire de l’actuelle France : quelques dizaines de milliers d’individus (moins de 100.000 ?)

début de l’Interglaciaire actuel vers -6500 ans (réchauffement climatique  en Europe) :

                  * Au Néolithique migrations des premiers agriculteurs venant du Proche-Orient, selon deux axes : 1) partant des Balkans vers 6.500 ans et suivant les côtes septentrionales de la Méditerranée (Sud de la France vers -5.800); 2) suivant le Danube et le nord des Alpes vers -5.300 ans. Difficulté pour l’archéologie : le sol était au même niveau qu’aujourd’hui, les vestiges sont à quelques dizaines de centimètres seulement (traces des poteaux de bois des maisons - rectangulaires pour pouvoir s’étendre). « Mais l’Atlantique formant barrière l’espace européen est désormais clos ». La population passe de quelques centaines de milliers à plus d'un  million (ou plusieurs ?). Ce qui pose trois problèmes : 1) augmenter la capacité alimentaire (agriculture et début d’une trajectoire incontrôlable avec le  progrès technique, p.ex. la charrue)   2) organiser le territoire par des hiérarchies sociales (chefferies) qui créent des inégalités, 3) le défendre : (ce qui est atesté par le déplacement des villages vers les hauteurs, et par les premières guerres (accompagnées de cannibalisme, cf Herxheim). Les chasseurs-cueilleurs sont repoussés vers le nord (jusqu’à la Baltique) et deviennent sédentaires.

                  * Transformation de la société en chefferies, attestée les monuments mégalithiques en Bretagne (-4.000), puis avec les premières migrations des agriculteurs venu du Proche Orient, une première époque de villages égalitaires et non fortifiés, a été suivie par le développement des chefferies attestées par  des fortifications et des tombes “princières“ sous tumulus (Bulgarie). Ainsi « L’inventivité et l’énergie humaine ont été mobilisées en grande partie pour produire des objets de prestige destinés aux seuls chefs. elles ont servi à produire du pouvoir à distinguer leurs bénéficiaires du reste de la collectivité. Ce sont des instruments de manipulation. » (p69). Puis retour à des sociétés plus égalitaires avant l'Age de Bronze.

 de l’Age de Bronze à la colonisation de la Gaule par les Romains :

                  * L'Age du bronze (vers -2.500 ans), installe « un nouvel ordre inégalitaire, où la société des dieux est construite à l’image de celle des hommes et sert à la justifier, il repose sur la violence, puisqu’il affirme que certains valent mieux et méritent plus que d’autres. »( p 72). La métallurgie du bronze née dans les Balkans se diffuse vers l’Ouest et atteint la France vers -2.500 ans, et apparaissent vers -2.000 les chars de guerre aux roues à rayons. Le paysages des campagnes était alors peu différent de ce qu’il est aujourd’hui (avec toutefois moins de forêts). Un réseau d’échanges à longue distance se met en place, reliant la Grande Bretagne (étain nécessaire à la fabrication du bronze), la Baltique (ambre)  et la Méditerranée et la mer Noire (objets d’art). Les villages et les villes fortifiées se multiplient.« C’est aussi au cours de ce IIe millénaire que commencèrent à se former en Europe de grandes aires culturelles, chacune définie par le style de ses objets quotidien de prestige, par ses traditions architecturales ou ses coutumes funéraires. La moitié nord de l’Allemagne la Scandinavie avaient beaucoup de traits en commun dans la forme de leurs poteries, de leurs armes et leurs parures ou encore dans leurs rituels fondés sur l’incinération : c’est là que les Romains partir du IIe siècle avant notre ère situaient les différents peuples germaniques. Une partie de la France, du sud de l’Allemagne, de la Suisse et de la Tchéquie partageaient des caractéristiques différentes. Si leurs habitants incinéraient leurs morts au IIe millénaire, ils les inhumaient par la suite, tandis qu’au cours du Ier millénaire de notre ère ils allaient décorer leurs vases et leurs bijoux métalliques de complexes motifs de lignes courbes : c’est dans cette vaste région de l’Europe tempérée que historiens grecs et romains plaçaient ceux que les premiers appelaient « Celtes » et les seconds « Gaulois» On peut donc penser qu’à ces différentes aires stylistiques, caractérisées chacune par une culture ma particulière, devaient aussi correspondre de familles linguistiques, comme celle des langues celle celle des langues germaniques, celle des langues italiques (dont le latin), et d’autres, qui durent se former peu à peu dans ces grandes interactions entre brassages de population et échanges commerciaux d’une part, et désirs d’individualisation et d’identité d’autre part. C’est également au cours de l’âge du bronze a durent être élaborées les mythologies guerrières que l’on retrouve d’un bout à l’autre de notre continent lorsque nous disposons de textes (les premiers !). » (p80).

                  * La métallurgie du fer (vers -1.200) ne modifie guère le tableau précédent, mais le système s’effondre vers -1.000. Ce qui correspond (?) en Méditerranée aux incursions destructrices des “Peuples de la Mer“ en Egypte et en Assyrie. Puis les Grecs multiplient leurs colonies vers la Méditerranée de l’Ouest et fondent vers -600 Massalia (Marseille), qui sera la première véritable ville “française“ et qui aura une grande influence culturelle et économique pour les peuples vivant sur l’actuel territoire de la France.

                              * Celtes ou Gaulois ? Celtes est le nom donné par les Grecs à un ensemble de peuples installés vers -500 av JC dans l’Europe centrale. Peuples que les Romains  -et Jules César- ont préféré les appeler Gaulois. Dans la lignée des périodes précédentes, se sont constituées entre les sources du Danube et celles de la Seine, des sociétés qui ont oscillé entre A) des périodes fortement hiérarchisées, dont témoignent les luxueuses sépultures des chefferies de Heuneburg ou de Lavau (découverte en 2014 près de Troyes[2]) ou celle de la dame de Vix (l’ordre successoral était alors matrilinéaire), et B) des périodes plus égalitaires et plus simples, où hameaux et fermes parsèment les campagnes, tandis que la population continue à croître.

«    "Pourtant la Gaule n’a jamais existé » dit JP Demoule (p 91). Du moins en tant qu’unité géographique et politique. César le dit même dès la première (et célèbre) phrase de son livre : « Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre Gaulois. Ils diffèrent tous entre eux par le langage, les institutions et les lois. » Autrement dit, la « Gaule » n’est que le nom d’un espace géographique, divisé en une soixantaine d'entités étatiques différentes et indépendantes. auxquelles les Romains donneront le nom de « cités » et qui est habité par des peuples très différents les uns des autres, dont certains seront appelés « Gaulois » par les Romains. « Au cours de la guerre des Gaules, certains de ces peuples lutteront contre les Romains, d’autres à leurs côtés, parfois au prix de renversements d’alliances, un peu comme les chefs de guerre de notre époque, en Afghanistan ou ailleurs. D'où la réputation d’ « indiscipline » faite aux Gaulois par le XIX° siècle : un anachronisme total puisqu'il n'y avait pas de nation gauloise. » (p 91)

·    « À l’instar de l’Égypte et de la Mésopotamie trois millénaires auparavant, les sociétés gauloises construisent peu à peu, à partir de simples chefferies, de véritables États. On entend par là non plus seulement un chef prestigieux régnant directement sur un territoire plus ou moins grand, mais une véritable organisation de gouvernement, avec de multiples fonctions identifiées. Même si l’on est passé insensiblement de chefferies de plus en plus complexes à de véritables États, il y a là une différence de nature, et non pas seulement de taille. Ces premiers États gaulois qui émergent au cours du IIe siècle avant notre ère se dotent de corps spécialisés. Parmi les plus connus, un clergé permanent, les fameux druides. qui entretiennent avec le pouvoir politique des rapports étroits et complémentaires. » (p94-95).    Premières villes gauloises (oppida), fermes aristocratiques.

         « Cette société aristocratique trop à l’étroit dans ses territoires trouve vers le sud un exutoire. Ce sont les fameuses migrations celtiques du IIIe siècle avant notre ère, qui voient les Gaulois déferler sur l’Italie et prendre Rome vers - 390. « Vae victis ! » (« Malheur aux vaincus »), lance alors aux Romains, qui ne l’oublieront jamais, le chef gaulois Brennus - du moins selon l’historien Tite Live. Certains traversent les Balkans et atteignent le sud de la Grèce, tandis que d’autres fondent même, en Turquie, le royaume dit « des Galates ». Un certain nombre de Gaulois, fort prisés pour leur combativité, s’engagent également comme mercenaires dans des armées grecques ou italiques. Ce mouvement de conquête est cependant éphémère. Les Gaulois sont refoulés ou assimilés, cantonnés en Italie dans l’extrême nord de la péninsule, la Gaule cisalpine (« de ce côté-ci des Alpes », pour les Romains), avant d’être conquis à leur tour. Il n’y a désormais plus de solution alternative : la population gauloise qui continue d’augmenter est définitivement prise au piège de notre territoire péninsulaire, coincée entre les Romains au sud, qui étendent lentement mais sûrement leur domination, les tribus germaniques à l’est, dont les effectifs croissent tout autant, et l’océan à l’ouest. » (p94-95)

Le Moyen Age :

Jean-Paul Demoule montre –éloquemment et preuves à l’appui que le Moyen-Age loin d’être une période d’obscur déclin, a été une époque finalement très inventive tant sur le plan politique (les libertés communales précoces), que sur le plan technique (mines, moulins, colliers d’épaule etc..) et culturel avec les apports des quartiers juifs et l’influence  arabe dans le Sud de la France. (Nous y reviendrons plus tard).

            JRC juin 17


[1]  - la découverte récente (2017) du plus vieux fossile (-300.000 ans) d ‘Homo Sapiens au Maroc rend aujourd’hui plausible un passage par Gibraltar, d’autant qu’un chapelet d’îles (cap Spartel) existait alors.

[2]  voir l’excellent documentaire  de l’INRAP diffusé par Arte en juin 2017 : « L’énigme de la tombe celte ».
 
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