OFFENSTADT Nicolas : « Le pays disparu : sur les traces de la RDA » éd. Stock, 2018, 418p « Le constat d’une véritable lobotomie de quarante cinq ans d’histoire et de vie d’un pays. Manque toutefois l’explication des mécanismes et des acteurs de cet effacement » PRESENTATION : « Que reste-t-il d’un pays disparu depuis plus de vingt cinq ans et dont l'effacement est toujours un enjeu social et politique? Sur les tables des vide- greniers, par terre dans les hangars ou dans les entreprises délaissées, la République Démocratique Allemande (RDA, 1949-1990) est aujourd'hui un pays à la brocante, un pays à l'horizontal. Ce livre invite à un voyage sur les traces de ce pays disparu. Dans les usines ou les écoles à l’abandon, il arrive que l'on récupère des dossiers individuels, des empreintes des vies de l'époque. Les traces ce sont aussi les milliards d objets du temps du socialisme qui ont connu de nouveaux destins depuis la chute du Mur. L'enquête suivra ceux qui célèbrent, aujourd'hui, le souvenir de la RDA, et ceux qui veulent la faire revivre un peu. À travers tous ces chemins, à travers la pratique de l'exploration urbaine (Orbex), l historien raconte les expériences sensorielles et personnelles de ces troublantes rencontres avec un monde disparu, toujours porté par ceux qui l’ont vécu, proposant ainsi une ample réflexion sur les traces et la mémoire. » (quatrième de couverture) COMMENTAIRES : La recherche des traces -matérielles notamment- de ce que fût la RDA tourne ici à la quête d’un collectionneur obstiné ou à celle d'un brocanteur, même si l'auteur l’accompagne de témoignages des “Ossis“ –comme on nomme aujourd’hui les habitants de l’ex RDA. Toutefois le lecteur –surtout quand celui-ci connaît bien ce qu’est aujourd’hui la vie dans ce pays officiellement disparu, ne peut manquer de rester sur sa faim. Car les témoignages recueillis ici font une part trop importante aux anciens du régime de la RDA, et ne distinguent pas assez clairement la vision différentielle du passé de la RDA que peuvent avoir les Ossis selon qu’ils ont choisi après la réunification soit d’émigrer vers l’Ouest, soit de rester dans les « anciens Länder ». Ce qui manque dans cet ouvrage c’est une explication des mécanismes et des acteurs de cet extraordinaire effacement. Il aurait été surtout nécessaire de revenir sur les décisions et les processus tant politiques (Kohl) qu’économiques (« un mark de l’Est vaudra un mark de l’Ouest ») des cercles dirigeants de l’Allemagne de l’Ouest au moment de la chute du “Mur“ .... et après. Et notamment sur le rôle et les agissements déterminants de la TREUHAND *– l’organisme chargé de la dévolution des biens d’Etat de la RDA. Ainsi ce qui demeure toujours disparu dans ce livre, c’est donc bien l’explication de cette disparition. Explication qui relève tout autant de la sociologie, de l’économie (et même de la philosophie) que de l’histoire au sens strict. * TREUHAND de nom complet Treuhandanstalt (en français : « Agence fiduciaire ») était l'organisme de droit ouest-allemand chargée de la privatisation des biens de la République démocratique allemande (RDA) après la réunification du pays. Le terme a aussi un sens ironique car il signifie également en allemand "main fidèle"... Treuhand fut créée (mais dans de curieuses conditions) par la Volkskammer, le parlement est-allemand, par la loi du 17 juin 1991. Son responsable, Detlev Karsten Rohwedder, fut assassiné par la Fraction Armée Rouge (RAF, dite aussi dans les médias "bande à Baader“) en 1991. Il fut remplacé par Birgit Breuel jusqu'en 1994, date de la dissolution de l'agence. On trouvera dans l'article du Monde diplomatique de novembre 2019 (“Allemagne de l'Est : histoire d'une annexion") une analyse minutieuse de la désastreuse liquidation de l'économie de la RDA par la Treuhandanstalt. BIO : Nicolas Offenstadt est historien, maître de conférences habilité à l'Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne. Spécialiste des questions mémorielles, en particulier autour de la Grande Guerre, il a enseigné deux ans dans le cadre de ce projet à l'Université de Francfort- sur-l’Oder en Allemagne de l'Est. Parmi ses dernières publications: “La Grande Guerre, carnet du centenaire“.
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