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LOU : cul et poésie

Louise De Coligny- Chatillon dite Lou : « Lettres à Guillaume Apollinaire »

éd Gallimard 2018 (établie et présentée par Pierre Caizergues), 122p

 

« le pouvoir des femmes »

         LOU : pour le dire de façon un peu simpliste et brutale : une jolie putain de la “bonne“ société. Ou plus élégamment : une femme légère qui n’avait que son plaisir comme loi.[1]

         Un plaisir pétri de contradictions : charnellement il passait par la soumission (« je veux jouir à mourir sous la schlague ») et une souffrance plus jouée que réelle. Mais inversement il impliquait implicitement la soumission complète de son (ses) amant(s). Cette soumission lui prouvant et lui permettant de jouir de son pouvoir de séduction, avec l’exigence d’une totale exclusivité de ce qui faisait le mérite et la gloire de son amant (« tu es mon poète, le mien, celui de personne d’autre » ;  « Je veux être ta Muse »).        

         C’était en outre une femme légère, qui vivait en parasite aux crochets des hommes et de la bonne société, profitant avec assurance des facilités que lui apportait son nom d’une lignée de grande noblesse.

         Une belle femme, au “beau cul“, très démonstrative dans l’amour, cultivée et fréquentant le “beau monde“, et surtout une femme  sans tabou, LOU avait tout pour séduire. On comprend l’emballement que cette femme a suscité chez un poète bohème et très ardent, allant à fond dans tous ses emballements –comme en témoigne son “joyeux“ engagement sur le front. Mais il faut rappeler que cette célèbre et pour la littérature cette si marquante aventure, tient toute entière en 17 jours (ou sans doute plutôt 17 nuits d’hôtel) répartis entre le 7 décembre 1914 et le 28 mars 1915, jours et nuits intenses et passionnés, mais brève période au cours de laquelle d’ailleurs chacun des deux amants (et surtout Lou plus “collectionneuse“) noue d’autres relations amoureuses.     

         La littérature peut remercier LOU de ce qu’elle a inspiré à Apollinaire ; les « Poèmes à Lou » et les « Calligrammes » demeureront un véritable trésor pour la poésie et pour la langue française.

         Mais de là à écrire à propos des lettres que LOU a envoyées à Apollinaire, comme vient de le faire un critique dans “Le Monde des livres“ (9 novembre 18) que «  ce petit livre est un trésor »,  est une totale contre-vérité. En réalité ce petit livre vaut surtout comme un inédit qui en raison de la célébrité du destinataire de ces lettres et de la légende fabriquée autour du personnage de Lou[2], permet à l’édition de faire un coup de marketing. Plus prosaïquement ce petit livre rassemble -68 ans après le décès de Lou- la plupart (une quarantaine) des lettres que Lou a envoyées en réponse aux plus de 200 lettres que lui a adressé Apollinaire depuis le front. Mais ce sont les lettres d’Apollinaire à Lou qui constituent un véritable trésor de merveilleux poèmes –souvent sous forme de calligrammes. Les lettres de LOU ont un intérêt pour l’histoire littéraire et elles valent aussi par l’éclairage plus précis qu’elles donnent au personnage si attachant d’Apollinaire. 

         On pourra aussi trouver dans les lettres écrites par LOU d’intéressants et troublants aperçus sur les ambiguïtés de la personnalité féminine. En cette période où le barnum  «  MeToo » occupe le champ médiatique, les lettres de LOU présentent avec la force de la vérité toutes les ambiguïtés féminines vis à vis du plaisir et du pouvoir. Et qu’on ne nous dise pas que LOU était prisonnière des conventions d’une époque révolue ; l’époque et le statut social de LOU donnent au contraire à ce qu’elle écrit une sincérité qu’on ne trouvera plus aujourd’hui. Et pour s’en convaincre il suffit de contempler côte à côte deux photos de femmes : celle datée d’un siècle de LOU –jouant yeux innocents grands ouverts à la fausse ingénue, et celle d’une jeune autoresse récente lauréate d’un prix littéraire qui pose avec assurance les yeux à demi plissés et le sourire carnassier : la même expression du désir de pouvoir sous deux modalités, deux modes contingentes comme le sont toutes les modes....

         Maintenant lisez APOLLINAIRE et ses « Poèmes à Lou » : là le vrai trésor !



[1] - Voilà comment en 1915 André Rouveyre, poète ami d’Apollinaire décrivait Lou :

« spirituelle, dégagée, frivole, impérieuse, puérile, sensible, insaisissable, énervée, un peu éperdue, en quelque sorte.  Mutine et langoureuse à la fois, ave ses grands et beaux yeux de biche »

 

[2]car –presqu’à la même époque, deux LOU se partagent la célébrité littéraire et passent pour avoir été  les “muses“ de poètes admirables. Ce fût sans doute plus vrai pour LOU Andréas Salomé  qui a vraiment aidé Rilke à s’assumer comme poète que pour LOU de Coligny-Chatillon dont le beau cul a emporté Apollinaire  dans ses emballements poétiques.

 
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