REY Henri-François : « Les pianos mécaniques » éd Robert Laffont, 1962, 489 p « bohème et existentiel : innocence de l’émergence du mode de vie bobo » RESUME : « C’est la peinture de Caldeya/Cadaquès en passe de devenir le Saint-Tropez catalan, capitale de la décadence et société sans autres repères que le plaisir, qui est aussi un mal de vivre. » COMMENTAIRES : Un roman intéressant. Henri-François Rey sait camper des personnages attachants * (à cause ou en dépit de leurs désordres) et les faire servir à relancer une intrigue qui semble par moments s’enliser. Il n’évite pas les analyses “existentielles“ (mais à l’époque on pouvait guère y échapper), mais il sait les présenter avec un talent qui dessine –in fine- un tableau sociologiquement intéressant de ce qui inaugura le début de la “jet set“. Le Caldeya de Henri-François Rey, est l’équivalent littéraire de ce que fût–à la même époque- pour à l’industrie touristique le premier village de paillotes du ClubMed. Et ce qui fait l’attachement du lecteur à ces “pianos mécanique“ tient à l’innocence de ces premiers bourgeois-bohèmes, ici encore plus bohèmes que bourgeois. * Vincent avec qui s’ouvre le roman, ne sera qu’une sorte d’introduction à Régnier le romancier alcoolique, amateur de nymphettes, que protège son très jeune fils Daniel, et à Jenny : une belle femme tout à la fois dure et fragile. Les autres personnages comme les ados Serge et Nadine ou le vieux pêcheur le Mao fournissent l’éclairage : par le drame ou par la sagesse. BIO : Henri-François Rey est un romancier, dramaturge, journaliste et dialoguiste français, né à Toulouse le 31 juillet 1919, qui a vécu entre Cadaquès et Saint-Paul-de-Vence, et est mort mort le 22 juillet 1987. Romancier qui a connu le succès grâce à ces « pianos mécaniques » (prix Interallié 1962), Henri-François Rey aujourd’hui assez oublié, d’autant que les critiques ont parfois été réservés à son égard. CITATION (p 402-403) « —- C’est simple, il aimait une fille, une qui s’appelle Nadine et qui habitait au port de l’Arcade. Ils avaient décidé de partir ensemble, mais pour la fille c’était un jeu. Serge, il a attendu ; elle n’est pas venue, naturellement... Alors, il est mort. C’est tout - dit Daniel. Le Mao crache très loin devant lui. — C’est fait pour ça, les filles, dit-il, pour faire mourir les hommes... Je sais...Toute ma vie, j’ai vu des histoires comme ça, dit-il. Il n’y a rien à faire : c’est dans la nature des filles, et c’est dans la nature des hommes de mourir pour elles. — Pourquoi il n’y a rien à faire ? dit Daniel. Le Mao fait un grand geste. Ça embrasse tout, les maisons, le ciel et la terre sèche. — Parce que... C’est comme une maladie. Les hommes, ils rêvent qu’ils aiment ; mais les femmes, elles, elles sont avec les pierres et les plantes ; elles savent bien que ce n’est pas vrai ; elles sont comme la terre, elles vivent simplement, elles ne rêvent jamais... C’est pour ça... Et, chaque fois, les hommes, ils se heurtent aux femmes comme les bateaux aux rochers sur le cap Creus. Et les hommes meurent et les femmes continuent. Elles continuent toujours, ce n’est pas leur faute, c’est comme ça, elles ne peuvent pas faire autrement. [..] Elles ne savent pas qui elles sont ; elles oublient ce qu’elles font. Elles sont faites comme ça. Il n’y a rien à faire... c’est dans la nature des filles, et c’est dans la nature des hommes de mourir pour elles. »
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