Terra & Antiterra


Accueil arrow Accueil arrow Notes de lecture arrow Essais arrow BOUDON J.O. : « Le plancher de Joachim » arrow Notes de lecture arrow Essais 
20-04-2024
Menu principal
Accueil
Culture
Pérégrinations et vagabondages
Ici Antiterra, à vous Terra...
Nos LECTURES de 2021 à 2015
Famulus
- - - - - - -
Menu utilisateur
TOUS |0-9 |A |B |C |D |E |F |G |H |I |J |K |L |M |N |O |P |Q |R |S |T |U |V |W |X |Y |Z


BOUDON J.O. : « Le plancher de Joachim »

BOUDON Jacques-Olivier :

« Le plancher de Joachim, l'histoire retrouvée d 'un village français »

(éd. Belin, 2017, 251p)

 

RESUME : À quelques kilomètres d’Embrun dans les Hautes-Alpes, sur les bords du lac de Serre-Ponçon, s’élève un château aux allures médiévales, le château de Picomtal. Au début des années 2000, les propriétaires découvrent, au revers des planchers qu'ils sont en train de rénover, des inscriptions tracées à la mine de plomb. Cent vingt ans plus tôt, vers 1880, Joachim Martin, menuisier, a écrit au dos des lattes qu'il a lui-même solidement clouées au sol. Ses confessions revêtent un caractère exceptionnel. L’homme sait qu'il ne sera lu qu’après sa mort. Il adresse un message outre-tombe et parle de lui. de ses angoisses, de sa famille, de ses voisins. Il décrit une société villageoise bouleversée par l'arrivée du chemin de fer, l’exode rural, les crises politiques, l’enracinement de la République. Il livre surtout les secrets les plus lourds et parfois les plus intimes des uns et des autres. Joachim Martin s’avère un témoin passionnant des mœurs souvent cachées de son temps. À travers ses écrits hors du commun, c’est aujourd’hui toute une époque qui revit.

COMMENTAIRES : Le plancher de Joachim est un étonnant révélateur des mentalités qui agitaient vers la fin du XIXe siècle la France profonde–et déjà “périphérique“ pourrait-on dire. Il montre dans une République  en voie de consolidation après les épisodes de la Restauration et de celui de l’Empire de Badinguet, que les valeurs de la première République –celle de Révolution, restaient fortement ancrées dans les milieux populaires,  le souci de l’égalité demeurant toujours  la principal ressort de la vie sociale. Au point que l’emprise que les prêtres catholiques pouvaient exercer sur la population en se servant de la confession apparaît si insupportable qu’une pétition signée par nombre d’habitants de la commune demande –fait historique inouï- au Ministre des Cultes de remplacer le curé du village par un pasteur ! 

BIO : Jacques-Olivier BOUDON, ancien élève de l'École normale supérieure, est professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris Sorbonne où il dirige le Centre d'histoire du XIXe siècle. Président de l'Institut Napoléon et directeur scientifique de la bibliothèque Marmottan, il a publié une trentaine d'ouvrages consacrés à l'Empire et à l'histoire du XIXe siècle, dont deux couronnés par un prix de l'Académie des sciences morales et politiques. Il a déjà publié chez Belin Les Naufragés de ta Méduse (2016).


 

                        EXTRAITS (L’ÉGLISE, LE PRÊTRE ET LES FEMMES, pages  177 à 180) :

« La dénonciation de l’abbé Lagier par Joachim Martin pourrait passer pour le résultat d’une querelle personnelle. Or il se trouve que l’on dispose d’autres sources qui éclairent le rapport entre le prêtre et la communauté paroissiale des Crottes. Le 28 mars 1884, une pétition parvient sur le bureau d’Amédée Ferrary député d’Embrun. Adressée au ministre des Cultes, elle demande le renvoi de l’abbé Lagier, « qui est cause de troubles, de divisions, de scandales25». Aucune précision n’est fournie sur les agissements prêtés au curé mais rapprochées des propos de Joachim ces accusations résonnent comme une mise en cause de ses penchants pour les femmes de la paroisse. Les signataires précisent qu’ils ont en vain alerté l’évêché sur le cas Lagier. Ferrary transmet la pétition au ministère des Cultes, tout en en atténuant la portée ou plus exactement, en faisant glisser l’affaire sur le terrain politique. Il demande de faire cesser les agissements d’un «ennemi acharné des institutions républicaines». Un voile pudique est jeté sur d’éventuelles dérives à caractère sexuel. Invité à faire une enquête sur l’abbé Lagier, le préfet des Hautes-Alpes s’en tient lui aussi aux questions politiques, en reconnaissant que l’abbé Lagier est connu pour ses opinions hostiles aux institutions républicaines, ce qui n’est pas à ses yeux un motif suffisant pour demander son remplacement, pouvoir qui revient à l’évêque.

Mais la pétition ne se contentait pas d’exiger le départ de l’abbé Lagier. Elle demandait aussi la nomination à sa place d’un pasteur protestant. On ne connaît pas les raisons de cette requête qui invite cependant à plusieurs commentaires. Le conflit avec l’abbé Lagier pousse une partie des paroissiens à exprimer un fort rejet du clergé catholique, mais pas de la religion elle-même. Ils souhaitent conserver un encadrement religieux, mais qui soit moins contraignant que le catholicisme. L’emprise des pasteurs sur les fidèles est évidemment beaucoup plus faible que celle des curés catholiques. Le glissement d’une religion à l’autre n’est pas très fréquent, surtout de manière collective, mais il illustre l’existence d’espaces intermédiaires entre le catholicisme et le protestantisme, à l’intérieur desquels les intéressés peuvent osciller, passant d’une religion à l’autre, au XIXe siècle comme à d’autres époques. »

 

 

 

 
< Précédent   Suivant >
Design by Joomlateam.com | Powered by Joomlapixel.com |